Rayon maximal - printemps 2020


Cet hiver, je suis allée souvent me promener dans un parc proche de chez moi.
Presque à chaque fois je ramenais quelques graines ou fruits tombés sur le sol, pour la plupart d'arbres exotiques.
Le fruit d'un oranger des Osages et une gousse de févier d'Amérique, des drupes de Melia ou lilas de Perse, dont les noyaux percés étaient utilisés autrefois pour confectionner des chapelets. Je retournais visiter l'oranger de Osages et le Melia pour guetter l'arrivée du printemps et observer le développement des bourgeons.
Pendant le confinement les parcs sont fermés et le rayon autorisé de déplacement s'est restreint. Je n'ai pas pu voir fleurir l'oranger des Osages ni le Melia.
Dans ce rayon maximal j'ai continué à cueillir quelques bourgeons, feuilles et fleurs qui dépassaient des grilles des squares désormais inaccessibles. Une fleur d'Oranger du Mexique, celles d'un Olivier de Bohême, des boutons de cerisiers du Japon, une fleur de Sauge de Jérusalem, une marguerite du Cap...
D'autres plantes moins exotiques également, comme cette moutarde sauvage qui posée sur mon bras se transforme en phasme par le pouvoir de l'imagination.
Des détails, des échantillons, des fragments de paysage.
J'ai beaucoup photographié ma main tenant ces végétaux comme un trophée. Une preuve que là dehors la vie continue et que malgré tout le printemps nous accompagne. Ces cueillettes sauvages sont devenues le but principal de ces sorties quotidiennes.
Photographier les plantes est pour moi un moyen de passer du temps avec le «paysage». De m'arrêter. De ne pas me précipiter. Me forcer à être attentive et à voir réellement la chose qui se trouve devant mes yeux. La capacité de se concentrer sur les plus petits détails puis prendre de la distance pour les considérer dans leur contexte et établir des comparaisons.
Dans ces «Tableaux de la Nature» Alexander von Humboldt démontrait l'influence que la nature pouvait avoir sur l'imagination. Dans son «Cosmos» volume 2, «Histoire de la contemplation poétique du monde», il met en évidence la façon dont le spectacle de la nature se reflète dans la pensée.
L'oeil qui nous permet non seulement de voir se qui nous entoure, mais aussi de l'interpréter en d'en former une conception.
Un émerveillement devant la nature qui nous aidera peut-être aujourd'hui à nous rendre compte que l'on ne peut protéger que ce que l'on aime.

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